Quand la légende s’écrit à grandes foulées.
Ce dimanche 25 mai, dans le tout nouveau Stade Olympique de Rabat, le public a retenu son souffle. Beatrice Chebet, la Kényane surnommée « The Smiling Assassin », a survolé les 3 000 mètres en 8:11.56. Un nouveau record d’Afrique et de la Diamond League. Une course exceptionnelle, tout en maîtrise et en audace, qui fait d’elle la deuxième femme la plus rapide de l’histoire sur cette distance. À 25 ans, elle continue de repousser les limites, se rapprochant du record controversé de Junxia Wang de 1993

Née le 5 mars 2000 à Kericho, au Kenya, Chebet a vite montré qu’elle n’était pas une coureuse comme les autres. En 2018, elle devient championne du monde junior du 5 000 mètres autrefois dominé par les coureuses éthiopiennes. Un an plus tard, elle s’impose encore sur le terrain du cross-country mondial, à Aarhus.
Mais c’est en 2024 que son nom s’est gravé plus profondément dans la mémoire collective. Aux Jeux Olympiques de Paris, elle réalise le doublé 5 000 m – 10 000 m, un exploit rare. Quelques semaines plus tard, elle frappe fort avec un nouveau record du monde du 10 000 m (28:54.14 à Eugene), avant de devenir la première femme à courir un 5 km sur route en moins de 14 minutes (13:54 à Barcelone).

Et pourtant, à Rabat, ce n’était pas pour un record qu’elle s’alignait. Elle venait pour elle-même, pour se jauger, progresser.
« Je suis très heureuse. Comme je l’ai dit hier, je voulais battre mon record personnel. Mon objectif était de courir en 8:20. Aujourd’hui, je me rends compte que je peux faire encore mieux. J’ai compris qu’il n’y a pas de limite dans la course à pied. Il suffit de croire en soi », confie-t-elle avec simplicité.
Visiblement, elle ne s’attendait pas à un tel résultat.
« Je voulais juste améliorer mon chrono. Je ne pensais pas réaliser la deuxième meilleure performance de tous les temps. J’ai couru une très belle course, et je suis profondément reconnaissante. » confie-t-elle avec lucidité, le souffle encore court, mais les yeux pleins d’ardeur.
Et le record du monde ? Il n’est plus un rêve lointain.
« Oui, même le record du monde, je vois que c’est possible. Mais mon objectif principal reste les championnats du monde (ndlr prévus pour se tenir du 13 au 21 septembre 2025 au Stade national de Tokyo, au Japon). Je n’ai encore jamais eu de médaille d’or sur cette compétition. Cette fois, je la veux. Je sais que ce ne sera pas facile, nous sommes nombreux à viser haut, mais je veux être à mon meilleur niveau. »
Quand elle a creusé l’écart avec ses concurrentes sur le meeting international Mohammed VI de Rabat, elle a ressenti la solitude des grandes.
« Après quelques tours, j’ai réalisé que les autres étaient bien derrière. À cet instant, j’ai simplement dit à mon esprit que je devais continuer, rester concentrée et pousser jusqu’au bout. »
La double championne olympique n’oublie pas son pays. « Je remercie tous mes supporters au Kenya. Leur soutien, leurs prières, je les ressens à chaque course. »
Le prochain arrêt serait sans doute : Tokyo, pour les Championnats du monde.
Beatrice Chebet ne court pas seulement pour les podiums. Elle court pour rappeler que le corps humain, quand il est porté par la foi, l’effort et la passion, peut redéfinir ce que l’on croyait impossible.
Et que dans ses jambes, l’Afrique avance à grandes enjambées vers le sommet du monde.